LE BILLET DE LA LIBELLULE – Episode 6

J’ai longtemps pensé que la poésie n’était pas pour moi. Et je l’avoue, parfois je le pense encore. Parce que le poète, c’est plus que tout autre écrivain, celui qui reçoit l’inspiration des dieux. Platon le disait enthousiaste. Celui qui habite le dieu en lui. Rien de moins ! J’ai écrit de la poésie, mais sans encore oser la publier. 

Mais c’est le printemps des poètes. Et je trouve le thème de cette année, Frontières, particulièrement inspirant. De quoi abolir les nôtres, laisser tomber nos doutes et nous lancer dans la poésie. Apprentis poètes et poétesses, à vos plumes !

Choisissez votre poème

Je vous propose quatre poèmes qui me parlent. Le premier a été écrit par un auteur très contemporain, journaliste et écrivain québecquois, que j’ai découvert au hasard de mes recherches sur le web. Les trois autres font partie de l’œuvre de mes poètes préférés et m’accompagnent depuis toujours…ou presque. Je les ai voulus différents
par leur facture, leur longueur, leurs sonorités. De quoi trouver votre bonheur ou vous inciter à en choisir un autre !

Des frontières à franchir…
Ta raison fixe ses limites.
Tu les inventes au bout de ton regard.
Après c’est l’inconnu, la peur.
Ces limites que tu te fixes,
Ce sont des frontières, pas une barrière.
De toi seul dépendent frontières et barrières.
Une frontière n’est pas une barrière,
C’est un signal, le signal d’un changement.
Quand tu rencontreras ton prochain obstacle,
Dis-toi que ce n’est pas une barrière.
Dis-toi que c’est une frontière.
Et fais un pas de plus.
Raymond Viger, Après la pluie… le beau temps, 2018

Frontière entre amour et mélancolie…
Au lac de tes yeux
Au lac de tes yeux très profonds
Mon pauvre coeur se noie et fond
Là le défont
Dans l’eau d’amour et de folie
Souvenir et Mélancolie
Nîmes, le 18 décembre 1914
Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou, 1914

Frontière entre vie et mort …
Rien n’est précaire comme vivre,
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière,
D’où viens-tu mais où vas-tu donc ?
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le cœur change avec le chardon,
Tout est sans rime ni pardon
Aragon, La Diane française, 1944, extrait

Paysage rêvé et sans frontières…
Îles
Îles
Îles
Îles où l’on ne prendra jamais terre
Îles où l’on ne descendra jamais
Îles couvertes de végétations
Îles tapies comme des jaguars
Îles muettes
Îles immobiles
Îles inoubliables et sans
Je lance mes chaussures par- dessus bord car je voudrais
Bien aller jusqu’à vous.
Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924

Clin d’œil sidéral…
Le paysage changeur
De deux choses lune
L’autre c’est le soleil
Prévert, Paroles, 1945, extrait
Je vous propose aujourd’hui deux exercices d’écriture :
Je vole un vers : exercice repris de mes cours de collège, quand je faisais partager à mes élèves mon amour de la poésie. Voler un vers donne l’inspiration !
Je vole une structure : je reprends par exemple, la structure anaphorique de « Îles » : je choisis un thème qui m’inspire et je commence chaque vers par le même
mot.

À vos stylos !
Vous pouvez indiquer en commentaire lequel de ces poèmes est votre préféré, en suggérer un autre, poster votre propre poème… selon votre envie !
Et n’oubliez pas : le printemps des poètes c’est jusqu’au 2 avril 2023 ! Des
manifestations et des évènements se déroulent partout en France. Renseignez- vous !

Délicieuse quinzaine !
Dominique’